Regards sur l'homme

Trente ans de "Coudray Montceaux"

Contribution de Philippe Rostain.

Sollicité en 2013 pour rédiger  le texte de présentation de Louis Meznarie, invité d’honneur aux « 40 ans  de la  2.7 R S » à Reims, organisé par le Porsche Club RS de France, j’avais écrit sur Louis qui entretenait ma 2.7 depuis 1985:

« Célébrer les quarante ans de la Carrera RS 73 sans y associer Louis Meznarie, serait aussi inconvenant que de traiter de la haute couture Française sans parler de Christian Dior. »

Avec le recul je réalise que ma comparaison était totalement fondée.

Louis que j’ai connu et côtoyé pendant 30 ans comme client, était d’abord  un artisan, par sa formation sur le tas et sa pratique dans des structures qu’il a toujours voulues a dimension humaine et ou les relations d’homme à homme primaient.

Dans artisan il y a « art » c’est à dire « Créateur ». Louis en  était  bien un lui dont l’inventivité et la curiosité mécanique étaient toujours en éveil. Il innovait et testait sans relâche pour tenter d’aller plus loin ce qui est l’apanage du  « Préparateur » dont l’objectif est de dépasser les performances du « standard »

Mais sa créativité était doublée d’une «  Rigueur » sans faille. Il la soumettait sans cesse  a l’épreuve des  faits et de la course. C’est ainsi que tous ses moteurs  compétitions étaient testés au banc a l’usine. De même toute voiture qui passait dans son garage était essayée par  Louis en personne, sur la petite départementale qui lui servait de circuit d’essai.

Cette pratique était le fait de sa « Probité » naturelle .S il était commerçant, il n’aimait pas trop les marchands qui s’étaient greffés sur la  financiarisation des véhicules de collection.

Au Coudray Montceaux  toute pièce changée était remise au propriétaire. Les carters réformés étaient sciés. Les pièces neuves venaient toujours de l’usine, parfois fabriquées maison ou par des artisans dont il estimait  l’exigence à l’image de la sienne.

S’il était passionné par son métier et la course et était un « compétiteur » , il n’en était pas moins chaleureux et plein d’humour. Son regard bleu était souvent malicieux même s’il devait parfois devenir aussi froid que le métal qui était son quotidien, vis-à-vis de ceux qu’il n estimait pas.

Je ne saurai m'honorer d’avoir été son ami, Même s’il m’a dédicacé son livre « à mon ami Rostain », ses amis étaient les pilotes ou les autres acteurs de son aventure sportive, mais nous étions en empathie.

J’admirais le préparateur talentueux   et respectais l’homme. Il appréciait je crois que je ne me prenne pas pour ce que je n’étais pas, un pilote !

Sa disparition fait  ma « noire » orpheline et me laisse à la nostalgie d’une  époque où l’automobile était synonyme de liberté et d’intensité,  la course  une histoire d’homme et de femmes (faut pas oublier Marie Claude Beaumont n est ce pas Louis ?) et non pas de « service marketing et de Dircom » !

 

Une amitiés avec Louis

Contribution de Patrick Asfeld

Tout comme Hans Mezger, malheureusement disparu il y a peu, il venait d'avoir 90 ans. Avec la même passion et modestie, l'un et l'autre ont consacré une partie de leur vie aux moteurs Porsche. Hans Mezger avait rejoint Porsche dès ses études d'ingénieur terminées. Certificat d'étude en poche, Louis quant à lui a d'abord du gravir les échelons de l'apprentissage sur le tas, en commençant par la réparation de bicyclette en 1943. En passant ensuite à la réparation de moto, et à la course motocycliste, il a fait son apprentissage mécanique. Mais il devient aussi gestionnaire d'entreprise puisque dès 1953 il s'est mis à son compte. Spécialiste des motos NSU, il est passé aux automobiles NSU en 1959. Préparateur de l'écurie CEIDA NSU, celle de l'importateur des NSU en France, il préparait les NSU engagées dans diverses épreuves : Tour de France, Rallye de Monte-Carlo, Coupe des Alpes, entre autre. C'est à cette époque qu'il a côtoyé des pilotes renommés. Sa bonne réputation s'est établie à ce moment là. Il y avait parmi ceux ci : Marie-Claude Beaumont, Bernard Darniche, Guy Chasseuil, Gérard Larrousse. Ce dernier devait le convaincre de le suivre comme préparateur de Porsche dès 1971. Une indéfectibles amitiés les liaient. Son activité de préparateur Porsche de compétition va ensuite s'étaler sur 12 ans, tant pour des engagements en rallye, qu'en piste. Cette activité doublait une activité Porsche client usuelle, traitant avec la même considération et attention pilotes et clients ordinaires. Son entreprise a été fermée en 2003. Le garage a été vendu au début de l'année 2019.

 

Le garage du Coudray Monceau au moment de la vente. La publicité restera en place.	Louis visite le son ancien garage après la vente, et en cours de restauration

Sa grande compétence était assurément les 911 atmosphériques refroidies par air : 2.7 RS, 2.8 RSR, 3.0RS et RSR. Il avait moins d'intérêt pour les moteurs turbo compressés, arrivés au Coudray Monceau en 1976. Selon lui, leur performance demandait moins de talent (sic : "il suffit de tourner la molette pour avoir des chevaux"), pour des budgets de plus en plus conséquents. 1977 a été son dernier engagement aux 24H du Mans. Sur ses 7 engagements son meilleurs classement a été onzième (934 RSR turbo - Striebig, Vernet - 11 ^eme). Mais il n'était pas peu fier de celui de 1972: la seule 911 à l'arrivée sur les 11 au départ était celle qu'il avait engagée (Porsche 911 S - Garant, Barth, Kyser - 13^eme).

Il était assez proche du Porsche Club RS de France. Certain de nos membres faisaient partie de ses clients. Nous l'avions invité à la célébration des 40 ans de la Carrera 2.7 RS en 2012 et du 10eme anniversaire du Porsche Club RS de France au Mans en 2015. Nous allions souvent le voir chez lui, la conversation roulant par exemple sur les limites structurelles du vilebrequin des RSR de 1973 à l'approche des 300CV, des mérites des courses courtes et longues des ST 2.5 et 2.3, etc... Il était doté d'une mémoire d'une précision étonnante et remarquable, qui certes demandait à être parfois canalisée !. Il se refermait comme une huître dès qu'on abordait le sujet de l'historique de ces autos que certains marchants cherchaient à valoriser. Dans le même ordre d'idée, le "flou technique" exprimé par certain l'exaspérait. On sentait bien qu'il ne fallait pas trop raconter de bêtises, et que de toutes façon il avait ses têtes ! Donc il fallait savoir s'y prendre, mais c'était facile puisqu'il suffisait d'être intellectuellement honnête.

Son parcours de vie très remarquable, sa modestie, sa très grande vitalité étaient une leçon de vie pour nous tous.  Handicapé par sa maladie ces dernières années, nous l'emmenions cependant au départ du Tour de France, au salons des Belles Champenoises d'Epoque de Reims, où il retrouvait tous ses amis dans les allées, et dieu sait s'il y en avait. Malgré la fatigue accumulée au cours de la journée, on voyait dans ses yeux la vie reprendre le dessus: "mieux que du Doliprane" me disait il dans la voiture au retour.

Porsche Experience Center - Le Mans - Septembre 2015	Retromobile 2020 - Louis retrouve Gerard Larrousse
Retromobile 2019 - Louis se "penche" sur le moteur d'une R	Au départ du Tour Auto 2018 en conversation avec C Roddaro

Il repose à présent dans un petit cimetière près du Coudray Montceaux auprès de son épouse. Leur tombe est reconnaissable : une petite plaque funéraire figurant une 2.7 RS a été placée dessus par un club de voitures anciennes du Coudray-Montceaux.

Adieu l'ami, votre souvenir restera vivace en nous.