Hommage à Louis Meznarie
10/12/2020

Le sorcier du Coudray Montceaux

La préparation moteur selon Louis Meznarie

En ce qui concerne la préparation des moteurs de compétition nos conversations tournaient autour de deux axes :

  • les relations avec son client
  • la technique de préparation et les risques pris

Quant un client venait pour préparer une auto pour une grande compétition, la première question qu'il posait concernait le palmarès du client. Il ne voulait pas que son nom soit associé à un pilote dont il n'aurait pas apprécié le talent. Ses mots étaient exactement les suivants :

A un moment, il faut que tous les paramètres concordent entre la personne qui va utiliser le véhicule, la personne qui paye, quel est le comportement de cette personne, si c'est la première fois que vous travaillez pour lui, ses possibilités, comment il conduit, etc . Parce que vous de pouvez pas d'emblée vous engager à 100% vis à vis d'une personne dont vous n'êtes pas sûr, dans un projet où vous allez mettre votre réputation en jeu, sans parler des répercussions financières, et sans parler des casses mécaniques.

Par répercussion financière, il entendait le temps passé considérable qu'il lui fallait consacrer à la préparation du moteur, qu'il ne voulait pas voir gâché par un pilote médiocre. Grâce à ce principe de sélection, "darwinien" en quelque sorte, il n'a pas été déçu, sauf une fois pour l'épreuve du Mans de 1977, où son auto n'a pas pu prendre le départ. Il considérait avoir été trahi contractuellement, financièrement et techniquement.

Ensuite nous avons abordé le sujet du risque technique : le client ou le pilote comprenaient ils que pour gagner il faut oser ?. En principe oui .... Pour ce faire il proposait différent programme de préparation pour que les choses soient claires. Ceci dit, il était conscient qu'après coup en cas de problème, parfois les reproches pouvaient pleuvoir et dans ce cas il n'y a que des bons pilotes et de mauvais préparateurs. Ce genre d'arguments l'avait amené à mettre des mouchard sur les systèmes de compte tours !.

Signe de sa nouvelle notoriété chez Porsche, N Singer l'invitait même à participer au Tour de Corse 1972 (voir plus loin).

La préparation moteur  comprenait plusieurs volets assez classiques, entre autres:

  • allègement des équipages mobiles : Le but est bien sûr de diminuer l'inertie de l'équipage mobile. Pour le moteur, on allègera ainsi le vilebrequin (ses contrepoids par exemple), les bielles, les culbuteurs. Mais cela ne s'arrête pas au moteur, et par exemple on peut alléger : la poulie d'entrainement de l'alternateur, les pignons de la boîte de vitesse, l'arbre de transmission, etc. C'est là que nous abordions avec Louis le risque technique pris. Une usine conçoit le moteur fiable possible en ayant à l'esprit l'image de fiabilité du modèle commercialisé et les couts de fabrication. Cette conception est fondée sur des calculs. Un préparateur comme Louis n'avait bien évidemment pas les capacités de calcul lui permettant de mettre en regard une probabilité de rupture et un allègement par exemple. Par ailleurs, il avait aussi à respecter une réglementation de course (annexe J). Il devait ainsi évoluer entre deux murs. Poussé dans ses retranchements, il nous proposait les deux éléments de réflexion suivants (ce sont à peu de chose près ses mots) :
      • croyez vous que NSU FRANCE, lorsqu'ils engageaient par exemple une TT en course étaient content d'arriver dernier sans prendre de risque ? Evidemment non
      • croyez vous que sans oser on peut gagner ? Evidement non
      • Alors que vous restait il, vous qui ne pouviez rien calculer demandions nous ?  La sagesse de celui qui touche le métal (sic) était sa réponse.Bravo l'artiste, on entre en effet dans le domaine de l'intuition, on oserai dire de l'art.
  • le travail des culasses : il s'agit là essentiellement du polissage fastidieux des conduits d'admission, et des chambres de combustion. Louis nous disait qu'il fallait une journée entière par culasse pour obtenir un résultat satisfaisant. Il y en a 6 à faire par 911 et cela m'a occupé quelques weeks end disait il ! A noter que ce polissage est permis pour les autos du Groupe 4 mais pas pour celle du groupe 3. A ce sujet, il nous a rappelé la bourre que se tiraient lors du championnat de France des circuit en 1974, Thierry Sabine (préparateur Meznarie) et Bardini (préparateur Balsa), tout deux en RS 3L. L'affaire s'est terminé un jour en terrain neutre chez Sonauto, où un commissaire avait convoqué les deux autos pour vérifier leur conformité aux groupe 3. Louis n'était pas peu fier d'avoir gagné sur le tapis vert, car, entre autre, les culasses de Bardini étaient polies.
  • passons rapidement sur l'augmentation du taux de compression, le travail de l'admission (trompettes, clapets, conduits) et de l'échappement. Lorsqu'il travaillait encore sur les NSU Louis fabriquait ses propres spaghettis. Mais sur Porsche, il préférait utiliser son carnet de chèque pour un résultat identique.
  • diminution de la pression du carter. Là encore il s'agit d'un travail de polissage fastidieux de la face interne du carter pour faciliter le déplacement de l'air et des projections d'huile à l'intérieur du carter, pour diminuer sa pression interne et gagner quelques chevaux. Louis nous disait avoir essayé toutes sortes d'outil plus ou moins industriel. Ce qui marchait le mieux c'était la petite perceuse Peugeot du bricoleur du dimanche.
  • soin du montage et métrologie. C'est un sujet que Louis aimait bien aborder. Les moteurs de compétition étaient d'abord montés à blanc entièrement, sans pâte à joint, et y compris l'équipage mobile. Cela lui permettait de vérifier que les éléments mobiles étaient libres et que toute les pièces s'ajustaient bien. Par ailleurs, ce qui lui importait c'est d'avoir des pièces dans les tolérances de manière la plus homogène possible : le poids des bielles par exemple. Il fallait le voir, nous raconter avec gourmandise, comment il allait chez NSU à l'usine choisir ses pièces moteurs. En bon diplomate, il allait à Neckarsulm pas seulement juste pour aller au comptoir, payer ses pièces et repartir aussitôt. Non, il y restait plusieurs jours, parfois une semaine, et parfois encore plus s'il y était en vacance. Il se promenait ainsi dans l'atelier de fabrication des pièces moteur, sympathisait et conversait avec la personne qui faisait le contrôle d'équilibrage et la métrologie des pièces produites. Ce dernier ne manquait pas de lui signaler le "schöne Material, das ist gut für sich" dont les tolérances de poids et de dimension étaient idéales. Dans un placard se trouvaient aussi les meilleures bielles marquées d'un point rouge. Et de conclure l'histoire, qu'avec une NSU 1000 Marie Claude Beaumont avait participé en 1966 à 16 rallyes en groupe 1 sans jamais casser de moteur. Il était monté avec du "schöne Material" et des bielles pointées en rouge ! Quel talent ! De la même manière il était connu comme le loup blanc au magasin d'usine Porsche, où il entretenait des liens cordiaux avec la Frau Baer : sa "maitresse" lui coutait cher disait il car c'est elle lui présentait toutes les factures de l'usine !

Les moteurs terminés n'étaient pas testés au banc de puissance. Louis avait un banc qui lui permettait de faire tourner le moteur sans prendre de puissance (string test). Les moteurs "nobles", les prototypes qu'il créait, il les emmenait à l'usine pour les tester au banc de puissance de l'usine comme on l'a vu ci dessus.



Retour à la page précédente

Commentaires:

  1. dans votre hommage vous avez oublié toute l'équipe qui était derrière mr meznarie pour réaliser les voitures .cordialement à vous.

    1. Bonjour Mr Nello

      Effectivement il n'en est pas question, tout simplement parce que je ne la connais pas. Si je pouvais vous rencontrer ce serait avec plaisir. Nous pourrions ensemble compléter l'article. Mon téléphone est le 06 07 02 37 20

      Bien cordialement

      Patrick Asfeld

  2. Effectivement le talentueux Nello a été pendant des années le bras droit de Louis Meznarie. Je crois qu'il a quitté l'atelier en 86-87 (?) pour se consacrer à l'entretien et l'optimisation de formidables Porsche cotoyées au club Europa et ailleurs sous la bannière du Nello Racing des 3 mousquetaires Lafon/De Lestang/Tenoudji (qui, on le sait étaient 4 avec Nello !) . Pour ma part j'ai possédé en 1987 une superbe Carrera 2.7 série G (n°544) blanc GP qui fût je crois la dernière voiture préparée par Nello avant son départ. Optimisée avec soin sur les trains roulants, les liaisons au sol et le freinage, elle bénéficiait d'un moteur identique à celui de la "noire" de Ph Rostain : 2.8 avec volant moteur allégé, simple allumage...etc. Une belle machine utilisable sur route et circuit ! Merci l'artiste !

  3. Une révision/addendum de l’article sera publiée bientôt avec l’accord de monsieur Basteri Nello et couvrant les sujets qu’il souhaite traiter. A suivre donc.

    PA

    1. exellente idée que d associer Nello sans oublier Gilbert a l hommage rendu a L Meznarie suite aux articles publies par P Asfeld et P Rostain dans l avant dernier No de Speedster, repris ci dessus parution appréciée par les membres du "Club" si on en juge par le nombre des commentaires recus . .
      Ils ont été les indispensables second de Louis et ont contribués de facon indéniable a ses succés par leur compétence et leur talent .
      j ai eu le plaisir de bien les connaitre l un et l autre ,Nello s étant occupé de ma "Noire" pendant 3/4 ans avant son départ de l atelier ,Gibert ayant pris la suite pour les 15 années suivantes.
      C est dailleurs Gilbert qui en 1993 a monté mon nouveau moteur concu selon les spécifications de Louis .

    2. Exellente idée que d associer Nello sans oublier Gilbert a l hommage rendu a L Meznarie par les articles de P Asfeld et P Rostain dans l avant dernier No de Speedster , repris ci dessus ,remarqué par les membres du club si l on en juge par les commentaires recus .
      Ils sont indissociables de l aventure de Louis par leur compétence et leur talent .
      J ai eu le plaisir d apprécier leur savoir faire car Nello s est occuppé de ma " Noire" pendant 3/4 ans avant de quitter le garage ,Gilbert ayant repris la suite pendant 15 ans au moins.
      C est d ailleurs lui qui en 1993 a monté mon nouveau moteur selon les spécifications de Louis.

  4. bonjour à vous tous mais j'ai décidé de tirer un trait sur tout mon parcours et de ne pas dire du mal de qui que se soit vue mon extrême rancoeur sur certains journalistes et pilotes. très cordialement à vous tous.

    1. Bonjour

      Le Porsche Club RS de France vous souhaite une très bonne année 2022.

      Nous fêterons bientôt les 50 ans de la 2.7 RS au Mans sur le Bugatti : ce sera fin mai 2022. Peut on espérer vous y voir si on vous y invite ? Juré on ne bavera sur personne ! juste le plaisir d'y voir les anciens.

      A bientôt ?

      Patrick Asfeld

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *